Comment monter et préparer un projet de voyage en vélo au long cours : l’exemple d’Antony
23Le projet d’Antony ? Partir deux ans en VTT autour du monde ! Retour sur son projet, sa préparation, son budget et la recherche de sponsors !
Bonjour, pourrais-tu te présenter, ainsi que ton projet de Tour du monde ?
Bonjour Fabrice, bonjour à toutes et tous. Je m’appelle Anthony Bray, 33 ans. Je suis éducateur spécialisé depuis plusieurs années, d’abord sur Lyon, puis sur Grenoble, dans le secteur de la Protection de l’Enfance (poste en foyer accueillants des jeunes placés par un juge des Enfants, poste en Prévention Spécialisée dernièrement).
Grandi à la campagne, citadin dans l’âme par ailleurs, passionné de sport en général, d’activités de plein air en particulier, je laisse de côté la compétition (football à haut niveau durant de nombreuses années au centre de formation de l’Olympique Lyonnais) au profit du loisir. Je retourne vers des activités de montagne (randonnée pédestre itinérante, V.T.T., raquettes, ski, via ferata pour l’essentiel). Je pratique aujourd’hui ces activités autour de Grenoble, formidable terrain de jeu, à 2 pas du centre ville.
Voyageur peu expérimenté, j’ai visité quelques pays en Europe, dans un cadre familial, scolaire ou sportif (Italie, Espagne, Allemagne, Belgique, Suisse, Crête). Je connais mieux le Maroc que j’ai visité à plusieurs reprises.
Mon projet de base est ainsi centré sur la montagne et les Hommes qui l’habitent, autant en plaine que vers les sommets. Il se nomme Par Monts Et Par Vaux. Il s’agit d’un Tour du Monde basé sur 2 années de voyage, à vélo, en solo, avec l’idée d’un hommage à la montagne, se concrétisant par les tentatives d’ascensions de chaque point culminant des pays traversés.
Quel est ton trajet ?
Le trajet de base, théorique bien entendu, est le suivant : cap au Sud pour une traversée de l’Afrique du Nord, puis vers le Proche et Moyen Orient. Traversée de l’Asie centrale, vers l’Asie du Sud Est. Passage en Océanie, avant de traverser le Pacifique. Finir par la traversée de l’Amérique du Sud, jusqu’à Mexico, destination finale.
Voici la carte de l’itinéraire retenu avant le départ :
Sacré trajet ! Pourquoi le vélo pour ce tour du monde?
Moyen de transport devenu quotidien dans mes déplacements en ville, sur Grenoble (à la place de l’automobile), activité sportive régulière à part entière avec le V.T.T., le vélo est chez moi un moyen de locomotion depuis longtemps. Ludique, lent et rapide à la fois, c’est un compromis de vitesse qui me correspond bien, avec une ouverture sur l’environnement que je trouve intéressante.
Cependant, je n’avais jamais essayé le voyage à vélo avant de partir ! Compte tenu de mes envies et du temps que je me suis donné (2 ans), du rythme lent et progressif dans la progression qui m’apparait un luxe aujourd’hui, des expériences des uns et des autres qui m’ont convaincu, le vélo est apparu rapidement comme une évidence.
De plus, je place le vélo dans une dimension éthique du voyage, comme moyen simple de découverte et de rencontre, un « aller vers » facilité grâce à ce moyen de locomotion universel qui provoque la curiosité et l’empathie immédiate.
Enfin, je me fais une certaine idée du développement durable, passant par l’écologie, qui colle tout à fait avec la réalité du voyageur à vélo, en autonomie. L’autosuffisance, la consommation raisonnée et raisonnable des biens quotidiens, l’absence de rejets polluants au quotidien.
Cela a-t-il été difficile de franchir le pas ?
Très difficile !
Difficile de ne plus se mentir à soi-même, tout d’abord, en se retranchant derrière des excuses économiques et financières, familiales et amicales, affectives, sociales et professionnelles pour toujours entretenir ces mensonges à soi même ! Cependant, la rupture surgit lorsqu’il devient trop insupportable d’avoir des rêves plein la tête, et les vivre seulement par procuration, au travers de documentaires ou de lectures, de festivals de voyage, etc …
Difficile, de plus, de bousculer et renoncer et mettre à mal un schéma social, basé quoi qu’on en dise sur la valeur travail dans nos sociétés occidentales. Difficile d’abandonner ce schéma classique. Ce cheminement fut long chez moi, puis le déclic fut le retour d’un voyage, de courte durée mais très intense, au Maroc. Envie soudaine d’assumer un choix de vie différent, de mettre des choses en œuvre afin d’y parvenir, dans un délai acceptable pour tous (environ 6 mois écoulés entre l’annonce du départ et le départ réel, en octobre 2010).
Difficile aussi d’assumer, après cette annonce de départ justement, dans un 1er temps, devant les autres, en faisant face au « qu’en dira-t-on » et jugements parfois difficiles, qui mettent le doute.
C’est tout à fait cela ! Tu as bien décrit ce processus qui parfois empêche les uns et les autres de franchir le pas. Comment ont réagi tes proches à l’annonce de ton tour du monde ?
Beaucoup de surprises et de questionnements au départ, de craintes et de doutes. Une incompréhension, de la stupeur pour les uns, du rejet pour les autres.
Au fil des explications, avec une mise en mots plus précise et argumentée, au fil des semaines, soutenu par un projet solidement établi, les choses se sont décantées, jusqu’à devenir un projet collectif et familial, en quelque sorte (dossier écrit avec une méthode rigoureuse, budget détaillé du voyage, partenariat avec une école, préparation matérielle, administrative, sanitaire sérieuse, etc. …). L’adhésion de tous à un projet de la sorte est difficile, mais je crois qu’il est important pour partir dans des conditions sereines pour tous, même si les affects dû à un éloignement sont toujours difficiles à vivre et à exprimer.
Finalement, le déménagement chez mes parents, quelques semaines avant le départ, pour en faire une base logistique et administrative, fut un espace-temps très important dans ce processus d’explication et d’acceptation de mon nouveau choix de vie.
On sent en effet que cela n’a pas été facile vis-à-vis de ton entourage. Quel est ton budget de voyage? Et des sources de financement ?
Pour ce voyage, d’une durée théorique de 2 ans au départ, j’ai budgétisé l’ensemble à environ 23 000 euros ! (la part matériel/administratif/santé en investissement de base représente environ 12500 euros). S’ajoute à cela le budget pour la vie quotidienne (8 euros par jour pour la nourriture et l’hébergement), et l’ensemble des frais annexes indispensables (visas, transports maritimes et aériens, communication, colis, etc. …).
La grosse part du financement est un apport personnel (environ 11000 euros). S’ajoutent à cela des aides matérielles et ou financières de partenaires. Cependant, le budget n’étant pas équilibré au moment du départ, il me faudra peut-être travailler en cours de route. Tous les détails sont disponibles dans l’E-book écrit avant de partir, intitulé « Comment j’ai préparé mon Tour du Monde à vélo – Le guide pratique des aventuriers ». Figure en particulier, pour ceux que cela intéresse, la liste exhaustive du matériel, son coût et son poids. Celui-ci est en téléchargement gratuit ici : http://www.tony-world-mountain-bike-tour.fr/
Comparé à d’autres voyageurs à vélo que j’ai interviewé ici, ton budget me semble élevé. Je pense à Romain qui a voyagé un an en Asie avec 4000 euros. Comment expliques-tu cette différence ? Le vélo à la base t’a coûté cher ? Certains achètent juste un vélo de « base » pour un tel voyage.
En effet, j’ai un budget relativement important au départ (environ 23000 euros calculé sur 2 ans). Ceci est le fruit de l’investissement matériel de départ. Le vélo coûte déjà 3500 euros ! S’ajoute à cela les bagages, le matériel multimédia et surtout le matériel de montagne (chaussures, vêtements, tente, duvet, réchaud, …). J’ai fait le choix de privilégier du matériel de haute qualité, avec la politique de l’investissement.
Pour le vélo, comme je l’explique dans l’un des récents articles sur le blog, c’est un vélo de cylo-randonnée équipé d’éléments haut de gamme, comme les jantes, pneus, moyeux avec boite à vitesses intégrée, cadre an acier spécialement conçu pour la randonnée au long cours (acier Chromo, porte-bagage arrière intégré dans le cadre). Bref, c’est un bel objet, robuste, sobre et très polyvalent (autant sur route que sur piste). Et pour le moment, je n’ai rien changé dessus, après 13000 km dans des terrains difficiles (eau, boue, sable, …).
J’ai vu que tu avais des sponsors pour ce voyage. Cela serait intéressant que tu nous expliques la démarche ?
Je parle davantage de partenaires que de sponsors. En effet, il est non négociable pour moi, avec l’éthique que je me fais d’un voyage comme celui-ci, d’avoir des comptes à rendre, des contraintes trop fortes et une liberté de manœuvre dictée par du sponsoring commercial.
Cependant, je ne crache pas dans la soupe ! Au vu de mon budget très conséquent par rapport à mon apport personnel de base, la solution fut vite évoquée. Les conseils et l’aide de Florent Fouque, blogueur et administrateur du site, m’ont rapidement orienté vers cette démarche de partenariat public (collectivité) et privé (assureur, fabricant de matériels de sport, distributeur spécialisé, …).
Le principal partenaire de l’aventure, à mes yeux, est une école publique, située à Chandon (Loire), où j’étais moi-même élève en primaire. D’autres soutiens, moraux, financiers et matériels sont apparus, suite à mes sollicitations. J’ai en effet envoyé mon dossier de présentation du projet à de nombreuses entreprises et collectivités. Malheureusement, pris par le timing et la période estivale, le tempo ne fut pas en ma faveur pour équilibrer le budget à temps …
Néanmoins, comme certaines personnes croient fortement en cette aventure humaine et sportive et ont souhaité la soutenir, me faisant confiance. Soit moralement (l’école de Chandon, avec un travail pédagogique autour de cette aventure avec les élèves). Soit financièrement (bourse ou réduction substantielle lors de commandes). Soit matériellement (donation en équipement informatique ou articles de sport).
Quels conseils pratiques donnerais-tu à ceux qui veulent démarcher des partenaires ou sponsors privés pour un voyage?
Question délicate ! En fonction de mon expérience, je conseille de rédiger un dossier de présentation court et concis. Aller à l’essentiel. Pas de fioritures. Les gens sont tellement occupés, ils lisent en diagonale ! Mettre du visuel, travailler la forme de ce dossier (titre, couverture).
Ensuite, le diffuser à échelle locale, dans son propre réseau et les institutions connues (mairies, conseil généraux, régions). Relancer, relancer et encore relancer ! Par mail, téléphone, jusqu’à obtenir une date de rencontre. C’est déjà bon signe si c’est le cas !
Ceci induit donc une anticipation dans le temps assez grande, car les gens sont très occupés, encore une fois ! Ne pas le faire, comme moi, seulement 3 mois avant le départ, en plein été de surcroit !
Solliciter ensuite des marques en fonction de son projet (en priorité, les marques de matériel de sport pour mon cas). Montrer les retombées concrètes pour la marque en termes d’image et de notoriété (site Internet, conférences, photos, …). Cibler aussi les distributeurs (les marques sont déjà tellement sollicitées ! ). Négocier dans ces cas-là des remises sur la commande, ou carrément des achats à prix coûtant.
Bref, c’est une vraie démarche commerciale avec une vraie communication, qui peut vite devenir très importante et prendre beaucoup de temps dans les préparatifs, pour des résultats pas toujours probants ! Mais le plus important pour moi reste de ne pas vendre son âme au diable à tout prix. Ne pas tomber dans des engagements intenables !
As-tu présenté ton projet à des bourses de voyage ? Si oui, lesquelles ?
Oui, la bourse « Expé’ » , un distributeur de matériel de montagne. Hors délais, ils m’ont tout de même offert la réduction sur ma commande, réduction offerte à tout candidat.
La bourse Millet aussi, sans résultats !
Quelles sont les principales difficultés auxquelles on peut se heurter dans ce style de voyage ?
Dans ce type de voyage au long cours, à vélo et en solo, la principale difficulté réside dans les choix. Ils se prennent seul, forcément, avec tout ce que cela induit. Ils sont à chaque occasion importants, même celle qui parait anodine, puisque déterminants pour la suite, à court et long terme. Un mauvais choix peut être catastrophique et mettre rapidement en danger ou en risque de l’être.
Compte tenu de ma solitude et ma condition de cyclo-montagnard nomade, à l’extérieur la plupart du temps, je suis vulnérable, dans l’absolu. En 1er lieux des conditions météo, puis des obstacles éventuels objectifs, à anticiper un maximum (langue étrangère, état des routes, profil de l’étape, lieux de ravitaillement, …).
Je suis donc très vigilant, avec l’expérience acquise depuis 11 mois et plus de 11000 km à ce jour, à des choses auxquelles je ne pensais pas au départ (entretien basique du matériel, change de monnaie en évitant les arnaques, élaboration anticipée de visas, lieu de bivouac bien choisis, alimentation équilibrée un tant soit peu, rencontres farfelus à éviter, ascensions en montagne à ma portée ou non, météo trop défavorable, forme physique en ménageant des plages de repos si besoin, forme morale avec des plaisirs indispensables de tant à autre, comme des visites, des resto’, des nuits à l’hôtel, etc. …).
Bref, la question du choix sur l’instant ou en anticipation, guidé par le bon sens et l’expérience … Etre dans un souci préventif pour le matériel et la forme physique.
Accepter, enfin, la frustration, ce qui peut rendre le cheminement difficile. En effet, tout semble tellement incroyable loin de ses repères ! S’arrêter à telle ou telle sollicitation ? Accepter cette invitation à dormir à cette heure-ci de la journée ? Réaliser telle ou telle visite ! Faire tel ou tel détour sur le parcours ? … Mais, au final, choisir, c’est renoncer non ?
Dernier petit mot pour finir avec ma vision des difficultés rencontrées par le voyageur à vélo, seul. A bas les clichés et les peurs de l’inconnu trop souvent récurrents chez nous ! Non, le Monde n’est pas si dangereux ! Non, les gens ne sont pas majoritairement des voleurs ! Non, les routes ne sont pas infestées de bandits de grands chemins ! Non, les conducteurs à l’étranger ne sont pas des fous furieux !
Bien au contraire, prenons exemple, à mon avis, sur l’hospitalité, la capacité à accueillir l’étranger de passage et lui ouvrir son cœur, ouvrir sa porte et partager, tout simplement, sans intérêt ou crainte …
Comment as-tu préparé ce tour du monde ?
Entre spontanéité et réflexion, comme à mon habitude, plutôt seul au départ, puis avec des bases documentaires (blog de cyclo-voyageurs, livres, Atlas géographiques).
Suivant mes envies et rêves de départ, pour élaborer un itinéraire, puis en le confrontant aux réalités de terrain, au contexte géopolitique international, aux réalités de la montagne, aux conditions financières et administratives pour accéder à certaines zones, j’ai alors modifié à 5 reprises cet itinéraire.
Aussi, j’ai préparé le côté matériel de l’aventure de manière rigoureuse, avec l’idée d’investir dans du matériel de très bonne qualité, afin de partir l’esprit tranquille. Etre en sécurité sur le vélo, en toute condition météo, vêtements très polyvalents, matériel de camping et cuisine fiable dans une utilisation intensive… et faire des économies au bout du compte (la politique de l’investissement dans la durée …).
Pour l’aspect sanitaire, primordial à mes yeux, j’ai réalisé des bilans classiques (dentistes, médecin généraliste, ophtalmo’). J’ai aussi réalisé différents vaccins, avec l’idée de faire plus que pas assez en cas de doute, au détriment du budget, certes, compte tenu du prix élevé des vaccins … mais la santé a-t-elle un prix ?
Pour l’aspect administratif (assurance, impôt, déménagement, nouvelle adresse, …), physique et mental, je vous laisse consulter l’E-book pour les personnes que cela intéressent, là aussi, où je détail un peu plus en détails ma démarche et la méthode employée.
Justement, par rapport à la sécurité, était-ce une appréhension pour toi avant de commencer ce voyage ?
Oui et non. Partir dans l’inconnu de la sorte fait toujours peur, plus ou moins consciemment, surtout avec ce que nous rapportent les médias au sujet des pays que j’allais traverser (Algérie, Lybie, Syrie, Iran, …). Cet inconscient individuel, mais surtout collectif, est habité par ces doutes et craintes au sujet de ces pays qui n’ont pas bonne presse (vol, arnaques et autres trainent dans un coin de nos têtes ! ).
A la fois, dans le cadre de mon travail d’éducateur spécialisé, j’ai appris à aller au-delà des clichés et des représentations, travail sur soi indispensable pour aller vers les différences. Je connais les différences, le handicap (mental, physiques, sociaux). Aller au devant de cet inconnu est mon quotidien professionnel depuis des années.
Les 1ers jours du voyage m’ont vite conforté dans mon idée de base, à savoir que les gens sont en général accueillants, curieux et aidants. Surtout dans les pays cités ! Les idées reçues et les « on dit » volent vite en éclat au contact du terrain. Tant est si bien que mon cadenas est quasi tout le temps au fond d’une sacoche !
Mais je ne dis pas non plus que « tout le monde est beau, tout le monde est gentil », le bon sens aide à analyser les situations et les rencontres qui peuvent s’avérer farfelues ou dangereuses.
Bien d’accord avec toi ! Quelles précautions suis-tu au quotidien pour diminuer les risques en voyage?
Pour le risque de vol, j’ai une sacoche de guidon qui se transforme en sac avec bandoulière en 1 clip très pratique, j’ai tout le « vital » à l’intérieur (passeport, argent, CB, …).
Je fais aussi très attention à mes choix de bivouac. J’essaye de sentir les choses, ce qui n’est pas toujours évident. Je signale ma présence dès que c’est possible aux autorités locales (police, mairie, office de tourisme, commerçants, habitants, …). Je demande en général l’autorisation pour bivouaquer sur un terrain.
Si la situation est trop hasardeuse, je bivouaque vers un lieu public fréquenté (station service, école, mosquée, restaurant routier, caserne de pompiers, commissariat, …). Sinon, je préfère me retourner sur un camping ou une auberge de jeunesse, petite chambre d’hôtel, etc …
Pour les risques du cyclo, je ne roule jamais la nuit, règle d’or pour moi ! Je roule avec un casque le plus souvent possible (tout le temps en fait, sauf parfois dans les longues montées de cols). J’entretiens et je vérifie le matériel régulièrement (freins, visserie des bagages, chaine, klaxon, pneus…. Aussi, j’avais longtemps un gros bâton contre les chiens, parfois très agressifs (les fameux kangals en Turquie, ou ailleurs …).
Pour les risques liés à la montagne, lors des ascensions, je prends les précautions de base. Un équipement adapté au froid, lumière et altitude. Pareil pour l’alimentation (des loupés sur l’hydratation par contre que j’ai payé cher en Turquie, au Mont Ararat ! ). Dire où et quand je pars à des proches. Prendre la météo à l’avance et les informations techniques. Essayer de monter avec une équipe, si possible, ou louer les services d’un guide si c’est trop engagé, seul.
Mais aussi, je n’hésite pas à différer la montée, ou parfois même reculer proche du sommet si les risques deviennent trop importants (comme lors des tempêtes au Coma Pedrosa, en Andorre, Toubkal au Maroc ou encore Damavand en Iran). C’est la sagesse désormais qui me guide en montagne, avec l’expérience. Aller au sommet pour le sommet n’est plus une fin en soi à mes yeux. Si le sommet ne s’offre pas ce jour là, ce n’est pas grave. Il sera pour d’autres personnes, pour moi un autre jour … ou jamais. Tant que les moyens physiques et mentaux sont mis en œuvre pour la tentative, le reste est bonus … Où sont ces limites justement ? C’est ce qui est passionnant dans la pratique de la montagne à vrai dire, non ?
Pour les risques sanitaires, j’essaye d’avoir une bonne alimentation. Je cuisine pas mal de féculents et légumes pour le coup. Sinon, je me fais soigner dès qu’un mal ne passe pas. Je suis raisonnable là aussi, je ne joue pas au héros ! Heureusement, c’est arrivé seulement 2 fois en 11 mois …
Les 3 meilleurs moments que tu as le plus appréciés ? Je sais question difficile !
Humm, impossible de répondre Fabrice, non ?! Une tentative, à cet instant T … Je me donne le droit d’en donner 5 aussi, c’est trop difficile sinon J
– Toute la traversée de l’Algérie, d’Ouest en Est, avec Virgile, compagnon de route d’un temps. Passer quelques jours et Noel dans un mariage, avec une famille au grand cœur. Découvrir le littoral et la région des hauts plateaux, dans un froid glacial. Arpenter l’Atlas Saharien et ses espaces impressionnants de beauté. Pédaler au milieu des dunes du Sahara. Visiter des villes et découvrir une culture séculaire incroyable de beauté et de raffinement. Goûter à une gastronomie succulente. Surtout, découvrir un peuple à la richesse humaine indescriptible, à la gentillesse sans nom, où hospitalité et fraternité sont communes. Le coup de cœur de ce voyage, pour l’instant !
– – Echanger avec les manifestants de la place Tahrir, au Caire, en pleine ébullition, au lendemain de la Révolution en Égypte.
– Pédaler aux pieds des pyramides de Gizeh, au Caire !
– Gravir le sommet mythique du Mont Ararat, point culminant de la Turquie à 5165 m, lieux supposé où repose l’Arche de Noé.
– Recevoir les visites de proches, au Maroc et en Jordanie, improviser des équipes cyclos en Algérie/Tunisie, Arménie et Géorgie.
– Visiter les villes d’Isfahan, Persépolis et Yazd, en Iran, joyaux de la culture Perse.
Un dernier mot ?
Depuis maintenant 11 mois, je suis sur la route, avec des moments de joie formidables, des rencontres exceptionnelles gravées à jamais, des représentations qui sont tombées dans mon esprit, des ascensions en montagne magiques sur des sommets mythiques, la concrétisation d’équipes ici et là, la découverte d’us et coutumes captivantes. Cependant, j’ai décidé il y a quelques temps de prendre le chemin du retour.
J’ai traversé les Révolutions dans les pays Arabes, pris dans le tourbillon de l’Histoire en Tunisie, vers la Lybie, en Égypte et vers la Syrie. J’y ai laissé beaucoup d’énergie et d’espoir (ou de désespoir ! ). Beaucoup de désillusions et de naïveté. J’ai eu très peur, souvent, à la vision de cette colère et de ces armes. J’ai pleuré beaucoup de larmes sur ces routes. J’ai été usé, très clairement !
Beaucoup d’interrogations sur le sens à donner à la suite de l’aventure. La remise en cause profonde du voyage, basé quoi qu’on en dise sur un plaisir égoïste de l’instant, devant la vision insupportable de cette violence et ces destins brisés. Beaucoup de temps aussi, pour organiser les choses, dans ces contextes de violence parfois extrêmes (2 vols pour survoler la Lybie et la Syrie ! ). Bref …
Depuis Téhéran, en Iran, j’ai fait le point quelques jours, une introspection pour redonner du sens à cette aventure. Retrouver un appétit et une motivation. Choisir une suite. J’ai choisi de prendre la route du retour, finalement. Rejoindre les miens, aussi pour des raisons d’ordre familial, qui s’ajoutent à celles citées auparavant. Fêter les fêtes de fin d’années à la maison me parait être un joli symbole. Puis travailler à nouveau dans un secteur socio-éducatif qui me passionne. Et préparer un voyage au long cours, à vélo, qui sait ?
Merci Fabrice pour tes questions. Merci aux lecteurs d’Instinct Voyageur.
Merci à toi d’avoir pris le temps de répondre à ces questions entre deux étapes ! ET bon retour donc !
Qu’avez-vous pensé des propos d’Anthony, et de son aventure?
Quelle aventure !
J’aime beaucoup la façon dont tu parles de l’Algérie. Ça me donne envie de la découvrir !
Bon courage, le retour est difficile aussi parfois.
Il y a peu de voyageurs qui se rendent en Algérie il est vrai. Je suis sûr qu’il y a sans doute plein de bonnes choses à y découvrir, les propos d’Anthony le montre!
Tiens, où est-il en ce moment sur son vélo….
C’est en effet une sacré expérience et il a du vivre une sacré expérience avec les révolutions arabes (en bien ou en mal, je ne sais pas…).
Ce qui m’étonne c’est qu’il a choisi un itinéraire assez biscornu, déja qu’un tour du monde à vélo c’est pas évident, il a eu du courage de se lancer dans une expédition aussi longue !
Je me demandais aussi, avec un vélo de 3500€ qui sert d moyen de locomotion, de « seconde maison », etc j’aurais un peu peur pour le vélo et je ne pourrais jamais le lacher des yeux, n’est-ce pas contraignant ?
Oui, l’itinéraire est peu courant, de ce fait, je suis sûr que le voyage est d’autant plus intéressant!
salut 🙂
ça parait en effet contraignant ce vélo qui peut attirer les regards et les convoitises … mais on s’aperçoit vite que ceci est un fantasme ! les gens sont très majoritairement accueillants, aidants, souriants 🙂
la peur du vol pars vite aux oubliettes puisqu’elle n’est pas une réalité ! (mais bien entendu, je ne dis pas que le vol n’existe pas dans ces pays ! )
je rappelle simplement que l’immense majorité des gens sont honnêtes et respectueux, qui plus est dans les pays arabo-musulmans traversés,
bonne fin de soirée, au plaisir
Tu avais quel type d’antivol d’ailleurs, un U ?
Génial ce genre d’aventure. Je rêvais de le faire à un moment et à vélo également mais par contre pas en solo. J’ai besoin de partager les moments ressentis et je pense que seul ça ne doit pas être évident. Par contre tu n’as pas eu de chance avec tous les évènements qui ont secoués l’Afrique du Nord. Penses tu au contraire que tu as plus découvert grâce à cela?
salut Julien,
comme tu le dis, ce passage en Afrique du Nord en plein bouleversement fut parfois difficile, dans un climat de suspicion et parano’ généralisé très particulier, où le jeu du « qui est qui » est assez difficile !
je suis arrivé le 16 janvier en Tunisie, 2 jours après le départ de Ben Ali, et jusqu’au survol de la Syrie depuis la Jordanie pour la Turquie, je suis resté dans ce climat révolutionnaire quasi tout le temps !
du coup, pas mal de situations farfelues, voir dangereuses,
mais aussi un sentiment privilégié d’être le témoin de bouleversements historiques en direct, en lien avec les populations,
passage souvent éprouvant mentalement, mais o combien passionnant !
vive la liberté !
au plaisir,
Très sympa. Par contre je me demandais comment il parvient à faire rentrer dans les deux petites sacoches du vélo:
– Tente
– Matériel de cuisine
– Matériel de rechange du vélo (pneus, outillage…)
– Nourriture
– Eau bien sûr
Et lors d’une visite, que faire du vélo et du contenu des sacoches pour éviter d’attirer l’attention?
bonjour Martin !
ça parait toujours impossible de faire rentrer tant d’affaires dans si peu de place. Mais c’est possible 🙂
la tente = je la glisse avec le matelas gonflable dans le sac à dos de 45 litres qui est ensuite calé sur le porte bagage arrière, en travers
le matériel de cuisine = dans une sacoche avant (popote, réchaud avec bouteille de combustible, nourriture, …),
le matériel de réparation est minimal = 1 outils multi-fonctions pour le vélo et 1 pince multifonction pour le reste (pas de pneu qui peuvent s’acheter à peu près partout)
l’eau = seulement 2 bidons d’1 l chacun pour la journée que je rempli à mesure + 1 poche à eau de 3 pour le bivouac que je recharge en fin d’étape …
sinon, pour les visites, pas de soucis particulier, je laisse le vélo à l’accueil du site. Jamais de problème de vol en 14 mois, si ce n’est un bidon en Arménie devant un cyber café,
au plaisir 🙂
Bonjour. Je suis Anthony, le voyageur à vélo interviewé par Fabrice 🙂 Merci pour vos commentaires et questions auxquelles je vais tenter de répondre … Salutations de France, où je suis rentré depuis peu 😉 Bonne année à toutes et tous !
Waw, un superbe projet ! Je viens justement d’avoir un très beau vélo pour noël, et j’envisage de voyager un peu avec… pour des sessions de quelques jours pour commencer ! Antony, tu fais à peu près combien de kilomètres par jour ?
salut !
héhé, le père Noël a fait le bon choix alors 🙂
en terme de km, je roule environ 80 km par jour en moyenne,
ceci reste une moyenne, j’ai des étapes à moins de 20 km et d’autres à plus de 170 : la distance dépend de nombreux critères objectifs : vent de face ou pas, chaleur, profil (montagne ou plaine), état de la route (goudron ou piste), alimentation …
après, il y a des critères plus subjectifs qui : paysages, rencontres, état de forme, …
mais ceci ne reste que des chiffres et n’est pas le plus important à mes yeux en voyage à vélo 🙂
au plaisir et si tu as besoin d’infos supplémentaires, pas de soucis ! bonne journée
Woo, j’ai déjà fait l’été dernier un petit voyage avec un groupe d’ami pendant une semaine en France (camping sauvage en général, vrai camping à deux reprises) et j’ai beaucoup aimé. On faisait environ 70km par jours mais notre équipement n’était pas idéal (de nombreux problèmes techniques et des vélos chargés et vraiment trop lourd). D’ailleurs je me demandais combien, une fois chargé, pesait environ ton vélo ?
J’ai trouvé le récit de ton histoire vraiment formidable et ça me donne vraiment envie de tenter une telle aventure dans les (2-3) prochaines années (mais avec du vrai matos de qualité, pas celui qu’on prend l’été dernier et qu’on va surement reprendre l’été prochain…)
En fait moi c’est surtout les pays ‘isolés’ où on ne va jamais tels que Iran, Kazhak/Ouzbéki/Turkméni-stan, sud de la Sibérie et Chine centrale qui m’intriguent.
salut Fabrice,
le vélo pèse 13,5 environ,
s’ajoute à ça le matos = environ 35 kg (lourd car je pars avec du matos de montagne pour les ascensions pré&vues à droite à gauche …),
plus la nourriture et l’eau (pas plus de 2 kg en journée en général dans 2 bidons ; 5 kg le soir pour être tranquille au bivouac)
sinon, comme tu dis, je pense que la qualité matériel est importante, ça enlève des soucis et l’esprit est vraiment libre et à même de profiter pleinement 🙂
je suis aussi très tenté par l’Asie centrale et les pays dont tu parles …
sinon, tu prévois de partire où cet été alors ?
au plaisir, bonne journée,
le vélo chargé à 40kg (à moins que ça ne soit plus de 50kg si j’ai mal compris et si les 35kg représentent juste le chargement que tu pose sur ton vélo(!!)) ça te fait un sacrée chargement. Avec tout ce terrain montagneux que tu as fait tu as dû souffrir, et encore plus si, comme j’en ai l’impression, tu as fait certain trajets sur route non goudronnée!
L’été dernier nous étions 4, et c’est incroyable le nombre de soucis techniques qu’on a eu en seulement une semaine. On est parti avec 2 VTT bas de gamme, un VTC moyen/haute de gamme d’une dizaine d’année, et un VTC bas de gamme tout neuf. On a eu le droit à : 1 manivelle de pédalier cassée/usée, 1 poignée de vitesse cassée, 1 selle cassée (elle tenait plus droite) et 1 crevaison. Finalement seul le vélo neuf bas de gamme ne nous a pas posé de soucis. La preuve qu’un matériel de qualité est vraiment nécessaire.
Ce qui est certain cet été c’est qu’on ne part pas avec les 2 VTT qu’on avait (petites roues et poids assez important pas adapté aux longues distances).
Au niveau du poids total (je ne saurais pas te dire cmb ça faisait), sachant que c’était l’été et qu’on partait en Normandie (depuis Paris), on a pu partir assez léger, par contre on avait tout réparti sur le porte bagage arrière et j’ai l’impression que c’était pas idéal. En répartissant mieux grâce à des sacoches à l’avant ça aurait surement été un peu mieux.
Cet été on hésite encore…on aimerait tenter quelque chose d’un peu moins plats (même si part endroit la Normandie c’était pas si plat que ça) mais comme on n’a jamais vraiment pédalé en montagne et qu’on sera chargé on ne veut pas non plus se lancer sur qqchose de trop difficile. Du coup on hésite entre : Massif central, Alpes, nord de la Suisse ou encore un Paris-Munich. (Durée de 7 à 15 jours).
merci, bonne journée à toi aussi!
Merci pour ce temoignage!
Faire le tour du monde en velo a toujours ete mon reve aussi,
apres deux voyages de 1000 km, je pense imaginer ce que ca peut representer,
mais le plus edifiant pour moi reste le commentaire final sur les pays arabes et ta reflexion de fond sur le sens de faire quelquechose seul!
Bravo!
1000 km, c’est déjà pas mal! Enfin pour moi:-)
Wow, ça doit être une expérience fooooolle!! 😀
Ça me fait penser, un ami s’apprête à travers tout le continent, départ d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada jusqu’à la Patagonie en 6 mois! Je me permets de vous linker sa page: http://www.cycloexpeditionamericas.com/
Il faut quand même avoir le sens de l’aventure pour faire ça non? 🙂
Ha oui super en effet! 6 mois c’est rapide en vélo!
C’est une autre forme de voyage que j’aimerais bien expérimenté, enfin à plus petite échelle:-)
Tu vis au Pérou Leslie?
Montréal-Québec (230km) ça me paraît déjà beaucoup à vélo..alors traverser toute l’Amérique en pédalant, pas pour moi :p
Pour répondre à ta question non je ne vis pas au Pérou, j’y ai séjourné/travaillé durant un stage, puis en revenant au Québec, mon travail était en lien direct avec le Pérou encore. Ce pays m’a marqué beaucoup plus que je ne le pensais à l’époque 🙂
Salut à vous,
moi c’est Mathieu, j’ai 26 ans et j’ai à peu prêt le même projet que toi : partir, sauf que je pousserai jusqu’en Thaïlande et Indonésie. EN Vélo , tente, travail contre hébergement, transport, argent, rencontre, tourisme, tout ça quoi. Si quelqu’un connait quelqu’un ( 🙂 ) qui serait prêt à partir vers mai-juin 2014 vous pouvez me joindre par mail : guillemain.mathieu@gmail.com
Aloha. On verra pour les détails.
Bravo Mathieu pour ce projet !
Hésites pas à revenir en parler ici !