Les pêcheurs aux cormorans de Yangshuo : attrape touristes
1Lors de mon dernier trip en Chine, je me suis rendu dans la magnifique région de Yangshuo. Cette ville et sa région sont des destinations phares en Chine, pour leurs paysages de pics calcaires aux sommets arrondis.
Yangshuo est connu pour les photos de ses fameuses montagnes, mais aussi pour ses non moins fameux pêcheurs aux cormorans. Ha, les pêcheurs aux cormorans. Tapez le nom de la ville sur Google Images et vous verrez des centaines de photos de cette pêche si particulière.
La pêche aux cormorans ?
Tout d’abord, de quoi parle-t-on ? La pêche aux cormorans est une ancienne pratique qui consiste à utiliser des cormorans dressés pour pêcher en eau douce. Ces derniers plongent littéralement sous l’eau pour attraper le poisson. Ils le stockent dans leur bec avant de le rendre au pêcheur. Une ligature à la base de leur gorge les empêche d’avaler les plus grosses prises.
C’est impressionnant à voir, il faut l’avouer, surtout sur fond de coucher de soleil sur ces montagnes si particulières. C’est terriblement beau. Les pêcheurs utilisent une barque en bambou à laquelle est accrochée une lampe, ce qui ajoute encore à l’esthétique de la scène.
La pêche aux cormorans fut beaucoup pratiquée en Chine et au Japon.
Voilà pour la carte postale. Après, il y a l’envers du décor…
Une tradition qui ne survit que grâce aux touristes
Dans la réalité, cette pêche a pour ainsi dire disparu. Les pêcheurs locaux, ceux qui ne vivent pas du tourisme, utilisent d’autres façons de pêcher.
Alors oui, il est encore possible de trouver des pêcheurs aux cormorans, ces derniers étant devenus plus des professionnels du tourisme que de la pêche. Tout est organisé à l’avance.
Dans notre cas, notre guide a organisé la « séance » en appelant l’un de ces « pêcheurs » pour qu’il vienne faire une démonstration. Devant nos yeux, celui-ci s’est changé pour revêtir une tenue plus traditionnelle, mais n’a pas pour autant lâché son smartphone entre deux appels. Cela manque un peu d’authenticité, il faut le dire. Pendant 30 min, le pêcheur et ses cormorans vont faire le job devant les objectifs des touristes. Encore une fois, c’est très photogénique.
Vous pouvez même vous faire prendre en photo avec les cormorans. Je ne suis pas allé jusque-là.
De l’influence des réseaux sociaux et d’Instagram
La pêche aux cormorans est une très bonne illustration de l’influence du tourisme sur certaines traditions. Je pourrais aussi parler de l’importance des images et d’Instagram. Ce média social contribue de plus en plus à façonner la carte touristique mondiale.
En effet, nous sommes conditionnés et influencés par les images. Pour de nombreux voyageurs, un séjour dans cette région de Chine signifie forcément assister à la pêche aux cormorans. Ils le demandent, et donc, s’il y a une demande, il y a une offre, surtout s’il y a des euros à la clef.
Encore une fois, tapez Yanghsuo pêcheurs sur Google Images ou sur Instagram, et voici le résultat :
C’est d’ailleurs assez fascinant l’impact d’Instagram sur la carte du tourisme mondial et local. Certains sites deviennent célèbres uniquement parce que des milliers de comptes Instagram ont partagé une photo, attirant ensuite des millions de touristes. Instagram tend ainsi à polariser les sites touristiques, les plus photographiés attirent davantage de monde et les autres restent dans l’ombre.
Ici, les locaux répondent à cette demande. Les voyageurs sont heureux d’assister au spectacle, ils prennent des photos qu’ils vont poster sur leurs réseaux sociaux, et ainsi, ils vont contribuer à entretenir ce cliché et ce désir chez les prochains voyageurs. Alors même que cette tradition ne perdure que pour eux, sans qu’ils le sachent le plus souvent, ils pensent que ce qu’ils ont vu est parfaitement authentique. C’est assez cocasse, non ?
Oui, cela a un côté assez pathétique, je le conçois. Tout du moins, il y a là un aspect superficiel.
Des traditions qui perdurent
Ce phénomène est bien sûr loin de s’appliquer uniquement à la pêche aux cormorans en Chine. Partout dans le monde, de nombreuses traditions perdurent grâce et par les touristes.
Le bon côté, évidemment, c’est que cela permet à certaines traditions de perdurer, et ça, c’est une richesse. Même si le but n’est plus le même dans la transmission de ces gestes, il n’en demeure pas moins que ce pan de culture ne s’éteint pas. Et parfois, c’est grâce à la méconnaissance et à l’ignorance des touristes.
Cela me rappelle la Birmanie et les pêcheurs du lac Inle. Là, aussi, vous avez sans doute vu des images les montrant en équilibre sur leur barque et utilisant une cage. En vérité, cette technique n’est plus utilisée par ces pêcheurs. Mais cela reste quand même assez drôle d’entendre ensuite des Allemands se féliciter d’avoir pu assister à cette scène de vie si authentique…
Voilà pour ce court article sur cette attraction de Yangshuo. Je tenais à vous expliquer le revers du décor, si jamais vous vous y rendez. Il me semble important de savoir.
Non qu’il faille ne pas contribuer à cela, là n’est pas mon propos. Le plus important, c’est de ne pas être dans l’ignorance et d’avoir une vision plus juste de la chose.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous d’autres exemples de traditions qui perdurent grâce au tourisme comme les pêcheurs au cormorans ?
Je connais la tradition et je savais qu’elle ne se pratique plus que pour les touristes !
Et alors ?
Si le tourisme qui implique des gens fortunés permet de faire vivre de pauvres gens c’est une excellente chose.
Il faut l’encourager et non le critiquer…