Pourquoi voyager dans les pays arabes, ça me soule grave
0Ce que cela disait
Pour résumer, je racontais dans cet article (de 2019) pourquoi je n’avais pas vraiment apprécié plusieurs voyages au Maroc, en Egypte et en Jordanie. Les raisons en gros : la lourdeur des commerçants, la place de la femme dans la société, des rapports parfois tendus, voir agressifs. Bien sûr, ce sont de superbes pays, surtout l’Egypte où je suis allé deux fois, et pour lequel j’ai une préférence pour une raison très personnelle. Pour autant, au niveau des échanges avec la population, cela a souvent été problématique. Or, pour moi, et comme pour vous j’imagine, c’est une part importante d’un voyage.
Il y a vraiment des choses qui m’ont mis mal à l’aise, et encore, je n’avais pas tout raconté dans cet article. Il y a aussi quelque chose, en lien avec ma perception des choses, qui fut pour moi un véritable choc. Son écho est même encore présent comme un fantôme qui ne voudrait pas partir. Je me rends compte que cela biaise, encore, un peu ma façon de voir certaines choses. Au tout début, cela hantait même mes rêves. J’aimerai que cela soit différent.C’est quelque chose que je ne pouvais pas écrire là. En fait, je ne peux pas l’écrire. J’aimerai. Un jour peut-être…
C’est mon vécu personnel, il n’appartient qu’à moi. J’aurai aimé qu’il soit autre. Mais il ne change pas bien sûr.
Beaucoup on eu l’expérience contraire. C’est la richesse humaine. Je changerai peut-être d’avis à l’avenir qui sait lors d’un futur voyage. Ce printemps ou cet été, j’avais prévu d’aller en Algérie. Cela fait un moment que cela me trotte dans la tête. En raison du COVID-19, c’est raté et c’est sans doute mort pour cette année.
Pour revenir sur l’article, la première erreur, c’est que clairement, l’article n’était pas fin (à commencer par le titre). Certaines formulations étaient maladroites et pouvaient laisser penser, malgré des précisions, que ce que je disais s’appliquait à tous, et que je généralisais à tous les pays.
La deuxième erreur, c’est tout simplement de l’écrire. Même en reformulant, en mettant des explications avant, après etc; Le résultat est à peu près le même.
Parler de ce genre de sujet est difficile, cela touche à l’identité, à la culture, à la représentation personnelle que l’on a du monde.
Et forcément, on y applique tous un filtre personnel, dans les deux sens. On y voit aussi ce que l’on veut bien voir. On déforme certains propos aussi, etc.
Parler de certains sujets est une erreur. Trop complexe, du moins pour moi, trop difficile à présenter, surtout à l’écrit. A l’oral, la chose est bien différente, il y a le ton, le langage non verbal etc. Bien plus facile de faire passer des choses. Vous avez tous remarqué qu’une situation tendue se dénoue souvent lorsque vous avez la personne en face.
C’est pour cela que vous trouvez peu de récits de mauvaises expériences en voyage par exemple. Vous en connaissez beaucoup ? Trop sensible de s’aventurer là. C’est un exercice d’équilibriste, au milieux de rafales de vent.
Donc, après réflexion, j’ai décidé de supprimer cet article. La raison ? Il va toujours entrainer des réactions chez certains, déranger ou blesser d’autres. Je m’en rend vraiment compte maintenant.
Je m’excuse si mes propos ont blessé certains.
Cet article a provoqué des jugements hâtifs chez certains, blessants, sans nuances et sans me connaître, appliquant ce qu’ils pensent dénoncer. J’ai été notamment abasourdi, consterné de voir que certains pouvaient penser que j’avais pu valider certains commentaires plus qu’atroces. J’ai même eu de la colère. Celle-ci était plutôt tournée contre moi, car je n’ai pas prêté assez attention à ce blog ces derniers temps, ayant d’autres préoccupations (si vous avez un blog, pensez toujours à cocher l’option « valider avant publication un commentaire »). Je me retrouve donc à devoir « prouver » le contraire, le truc irréaliste pour moi. Qu’une personne pense que j’ai pu les valider, sans me connaître, je peux comprendre cela dit. Ensuite, c’est verrouillé, dés qu’un avis est forgé, vous ne pouvez rien faire. L’esprit humain n’aime pas la contradiction ou revenir en arrière quand vous vous êtes impliqué. Le biai de confirmation cherche ensuite à éviter cette contradiction en se focalisant sur le moindre détail venant alimenter votre « vérité ».
Par contre, la réaction de certaines personnes m’a déçu. Certes, on ne se croise vaguement que dans un salon ou lors d’un apéro, quelques fois dans l’année au grand maximum. Mais quand même. Vous allez me dire « évidemment, c’est des relations superficielles, tu es à l’ouest mon gars ». Oui, ok, c’est bon. Au moins, cela permet sans doute de se recentrer sur l’essentiel. On retrouve bien sûr ce superficiel dans bien d’autres milieux, comme dans nos vies en général. Sauf qu’on ne veut pas le voir. On se raconte tous des histoires, sur nous, sur nos relations et face à la plus difficile réalité de la vie : notre finitude bien réelle. Bon, mais je crois que je me m’égare du sujet principal là.
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A part cela
Plus généralement et depuis un bon moment, je me suis vraiment rendu compte de plusieurs choses, à commencer par la polarisation et l’effacement des nuances dans notre société. On est de gauche ou de droite, raciste ou pas, sexiste ou pas, écolo ou non, con ou pas…La liste pourrait être longue. On doit mettre dans des cases. Or, la réalité est bien plus complexe. Elle demande plus d’efforts, elle dérange car elle nous renvoie à nous-même, à nos imperfections, à l’ombre et à la lumière qu’il y a en chacun de nous, de nous TOUS. Tout le monde n’est pas prêt à accepter cela, à voir cela. Pourtant, c’est la réalité humaine.
Les mots qui se terminent en « isme » ou en « iste » font souvent peu de place à la nuance. Il me semble que dés que de l’idéologie est présente, ce n’est pas un gage d’ouverture à la nuance justement. Chez ceux qui aiment voyager, on peut aussi retrouver parfois de l’idéologie chez certains. Je sais de quoi je parle, je l’avais aussi à mes débuts. Cela dit, comme toute chose dans la vie, elle a son revers. En fait, je me demande même si ce n’est pas en quelque sorte un frein. Est-ce que cela ne limite pas notre vision ? Est-ce que cela n’est pas un obstacle pour prendre en compte des opinions opposées ?
Bien sûr, les réseaux sociaux renforcent cela et clivent les discours. Derrière un écran, il y a moins la place pour la nuance. Cherchez sur internet, vous trouverez nombre d’études à ce sujet. Les réseaux sociaux poussent à se rapprocher de ceux qui ont la même opinion, l’algorithme de Facebook pousse en ce sens par exemple. L’effet communauté des réseaux fait qu’il y a moins la place pour le débat et la différence, on se conforte dans nos opinions. On en est tous victimes de cela. On préfère échanger sans fin sur Facebook au lieu d’appeler ou de voir la personne, on préfère le virtuel à la réalité, telle est notre époque. Je vous conseil vraiment de lire cet article sur le sujet. Passionnant.
Il y a aussi une standardisation des contenus. Il est de plus en plus tentant de faire dans le consensuel, moins d’efforts, moins de risques. On retrouve cela partout, de la littérature à un simple blog personnel. Prenez Instagram, la création y est encore plus limitée, il faut rester dans un modèle qui marche. On se censure parfois juste pour séduire et danser avec un algorithme insensible.
Bref, la place faite au débat, aux échanges et à la nuance se réduit. Et avec elle, une certaine richesse qui fait partie de la beauté de la vie. Le monde est fait d’une infinie palette de nuances. Evidemment, l’évolution de la société vers plus d’égalité est une bonne chose, tout comme la disparition des discriminations. J’en ai été victime enfant, quand vous êtes obèse ado, c’est vraiment violent. J’en ai été victime plus tard adulte. Bien sûr que je suis contre le racisme. Mes plus belles histoires, elles le furent dans le cadre d’un couple mixte. Je ne sais pas pourquoi je rajoute cela, je devrais pas. Une personne serait encore capable de me dire que je m’en sert pour prouver le contraire ou une bêtise du genre. On s’y perd à force. A lire ici cet article qui peut déranger.
En ce moment, on censure une oeuvre phare du cinéma comme « Autant en emporte le vent« , comme on déboulonne une statue de Christophe Colomb. Comme si on n’arrivait pas à laisser la place à ces traces d’un autre monde. Est-ce nécessaire ? « L’antiracisme rend désormais impossible toute nuance », comme l’écrivait la chercheuse Anne-Sophie Chazaud dans un récent article. Ainsi va le monde ? J’ai du mal à voir cela comme une bonne chose.