Deux romans à lire sur l’expatriation!
12Voici deux romans que j’ai lu il y a quelques années. L’histoire se passe à l’étranger, en Egypte et à Madagascar. Les protagonistes y sont expatriés. A coup sûr, la lecture de ces deux livres suscitera en vous quelques réflexions sur l’expatriation…
Il y a peu, nous parlions de l’expatriation dans un article.
Rade Terminus, de Nicolas Farge
« Diégo? Un drôle de coin. Un peu comme ces comptoirs oubliés qu’ils avaient pu visiter ensemble en Côte-d’Ivoire ou au Sénégal, mais version glauque, « un vrai dépotoir de la névrose occidentale, une sorte de terminus des âmes à la dérive, au sens figuré et géographique du terme ». Il y avait des légionnaires à la retraite, des RMIstes de la Réunion , des Belges qui faisaient du business, des petits mafieux italiens mis au vert, des repris de justice, des déprimés, des ratés… » une série B tropicale francophone en vrai. » Diégo-Suarez, . Une baie sur l’océan Indien, du soleil, des vestiges coloniaux, des filles, des ONG. Des Blancs en fin de course dont le monde blanc ne veut plus. Des voyageurs qui débarquent. Si ce roman a un but, c’est bien de faire comprendre au lecteur occidental que, considéré depuis tous les » bouts du monde » de la planète, l’Occident, c’est le bout du monde. »
Désabusé, drôle, caustique, ce roman est surprenant. Il met en scène toute une palette de personnages que l’ont peut rencontrer en Afrique. Pour avoir vécu une expatriation dans un de ces pays (quoique le Nigeria est loin d’être aussi paradisiaque que Diego), j’y ai retrouvé pas mal de vécu. Divers personnages blancs vont s’y croiser : le chef de mission blasé d’une ONG humanitaire. Le petit pistonné pour un stage de vacances, dégoûté qu’on l’ait envoyé «pourrir au Moyen Age» et ne décollant pas l’oreille de son portable. La télé-marketeuse lilloise, cherchant l’exotisme des «circuits aventure». Le vieux loser venus se taper des jeunes malgaches.
Nicolas Farge, directeur de l’Alliance Française de Diego Suarez, nous dresse un portrait sans concession d’une communauté expatriés venus chercher le soleil, l’argent et les filles faciles. Un monde peu connu du grand public. Il nous livre aussi sa réflexion quand à l’intérêt de l’aide occidentale envers le sud, les rapports complexes entre occidentaux et autochtones, le néocolonialisme etc….Vraiment un livre qui gagne à être connu.
Morceaux choisis :
« Avant de venir ici, t’as tout le monde qui te previent. On te dit : Diégo, c’est le tombeau des couples, tous les hommes entre 30 et 60 ans craquent. (…) Ici, les filles le font avec plaisir, un truc dingue c’est qu’elles mouillent ! (…) Ici tu sais il n’y a pas de sentimentalisme. L’amour, les gens s’en foutent, c’est eux-mêmes qui le disent. C’est pas une priorité l’amour quand tu galères pour trouver à bouffer.(…) Les mecs d’ici prennent leur nana à la hussarde, sans préliminaires, et s’en vont baiser à droite et à gauche. Nous, on passe pour les gentils, plus doux, plus tendres, plus imaginatifs, plus délicats. Parce que faut voir comment les mecs méprisent les femmes ici ! »
« Non, le Malgache fout tout en l’air. Les choses un peu compliquées, un peu techniques, c’est pas pour lui. »
« Son métier revenait à convaincre habilement les gens d’un pays comme celui-ci qu’il était bon au sien. Mieux encore, c’était grâce à l’existence de pays comme celui-ci qu’il pouvait aujourd’hui loger sa famille dans un grand appartement à Paris, épargner pour l’avenir et offrir chaque été à ses enfants des vacances tout confort. »
« Pourquoi je suis resté ? Pourquoi je suis resté ? Euh, ben partir pour retrouver les emmerdes en France, le froid, le fisc, la pollution, les gens qui font la gueule, la vie hors de prix, le chômage, les femmes qui vous agressent dés que vos yeux ont le malheur de croiser leurs siens(…) »
La fascination du pire, de Florian Zeller
« Un jeune écrivain est invité par l’ambassade de France au Caire pour donner une conférence. Une proposition qui prend une autre dimension à la lecture des lettres égyptiennes de Flaubert : « J’ai baisé des filles de Nubie qui avaient des colliers de piastres d’or leur descendant jusque sur les cuisses, et qui portaient sur leur ventre noir des ceintures de perles de couleur. » L’Égypte d’aujourd’hui ressemble-t-elle à l’Orient de Flaubert ? La sensualité orientale se dévoile-t-elle toujours dans les bas-fonds du Caire ? Comment conjuguer islam et sexualité ? Voilà ce que va essayer de découvrir le narrateur de ce livre contemporain, où les rumeurs du monde d’aujourd’hui croisent les fantômes des voyageurs littéraires d’autrefois. L’occasion de réfléchir sur la frustration sexuelle de l’Orient comme de l’Occident… Un troisième roman aussi polémique que percutant. »
Ce roman fut l’objet d’une petite polémique à sa sortie notamment par rapport aux propos relatifs à l’Islam. Pour ma part, j’ai trouvé ce livre très plaisant à lire, le style est fluide et simple. Les réflexions autour de la sexualité en Occident et dans le monde musulman sont intéressantes et provocatrices. A lire ce roman, on ne peut s’empêcher de penser à Houellebecq. Même thématiques et même personnages débauchés et obsédés. Même cynisme….
Morceaux choisis :
« Il m’expliqua qu’il ne croyait plus à la notion de « couple ». C’était pour lui une structure de domination de l’autre et de mensonges qui n’avait plus lieu d’être. Il préférait la notion « d’être préféré » qui laissait davantage de liberté et qui était plus honnête. »
« Si Martin avait rencontré, en écrivant, une certaine notoriété, c’était essentiellement parce qu’il avait contribué, avec d’autres, à définir la nouvelle société de marché dans laquelle l’Occident était rentré pour se transformer progressivement en un espace où l’ensemble des rapports humains répondait à des exigences de nouveauté, d’attractivité et de rentabilité. Cette configuration concernait toutes les relations humaines sans exception ; Martin, lui, s’était essentiellement intéressé à leur dimension sexuelle. Sur ce marche, chaque individu, en perpétuel espoir de rencontres érotiques avait une valeur propre. »
« Je veut dire que la haine qu’ils expriment en face de la femme est en réalité une forme impossible du désir. »
« Organise une bonne libération sexuelle dans ces pays, et ce sera la fin du terrorisme ! »
Je vous conseil vraiment la lecture de ces deux livres!
Avez-vous d’autres suggestions à me faire sur ce thème? Qui a lu ces deux romans?
J’aime beaucoup la plume de Nicolas Farge: j’ai adoré « J’étais derrière toi » & « One Man Show ». Celui-là, je ne connais pas…
L’autre je ne le connais pas non plus.
Je connais pas mal de romans sur la Chine, pour comprendre la vie là-bas, je les avais résumés ici http://www.curieusevoyageuse.com/lectures-dete/
J’aime bien aussi les bédés pour comprendre la vie loin, Guy Delisle est très bon pour cela (avec celui-ci par exemple !
Mais pas de roman sur l’expatriation pure- à part celui que j’écrirai sans doute un jour?!
Si en plus tu aimes Nicolas Farge, je te conseille vraiment « Rade Terminus »:-)
J’avais bien aimé aussi » J’étais derrière toi », très bon roman!
Il y a pas mal de romans et de récits au final sur la Chine dans l’édition (dont le tien!) je trouve.
Le pays intrigue:-)
Je ne suis généralement pas friand de romans. Mais le premier m’a l’air plutôt cool alors pourquoi pas.
« Organise une bonne libération sexuelle dans ces pays, et ce sera la fin du terrorisme ! »
Je rejoins totalement l’auteur sur ce point 😉
Rendez à la femme et aux hommes une certaine liberté, ils seront peut-être plus enclin à s’aimer et moins à se haïr.
On est d’accord! Mais certaines évidences résistent à la bêtise des hommes…
Salut,
Je suis passé deux jours à Antsiranana (Diego) quand j’étais à Madagascar et les quelques lignes du roman de Nicolas Fargues que tu as mis dans l’article me rappellent certaines choses. J’ai bien envie de le lire maintenant pour pouvoir comparer avec ce que j’ai pu observer.
Des livres qui tombent à point en cette période d’exil, qu’il soit fiscal ou simplement motivé par la recherche de terres plus fertiles et motivantes pour entreprendre.
Je vais lire cela très vite, c’est dans la todo list, merci.
Bonjour,
Je ne connais pas ces deux livres, mais dans le genre, j’ai lu Un Anglais sous les tropiques de William Boyd. De ce que tu en dis, la tonalité est un peu la même que pour le premier que tu cites : cynique et désabusée. Expat’, quoi 🙂
Sinon, il y a aussi mon bouquin : La face cachée des cocotiers. Mais ce n’est pas un roman, puisque c’est le récit d’une mission humanitaire en famille 🙂
Florence
Salut!
Tiens, je ne connaissais pas cet auteur! J’ai vu sur Amazon qu’il a écrit beaucoup, tu m’en conseils d’autres?
Je ne savais pas non que tu avais écrit un récit, dispo sur ton blog?
Je ne connais pas ces deux romans mais en tant qu’ecrivain specialiste de l’expatriation cela me donne tres envie de les lire. Merci Fabrice pour ces recommandations de lectures.
Je suis d’accord avec Florence, le livre de Boyd est tres expat mais avec un humour tres british surtout si on le lit en anglais. Personnellement, j’ai beaucoup apprecie le livre. Il y a aussi une version cinematrographique avec notamment Sean Connery. Le film est moins bon que le livre mais cela se laisse voir quand meme.
Bonjour Véronique!
Tu as écris un livre sur le sujet? Cela m’intéresse!:-)
Le deuxième m’inspire pas mal ! Je vais me le procurer de ce pas et le lirais dans mon prochain avion ! 🙂