Influenceuses IA dans le tourisme : gadget marketing ou vraie menace pour le voyage ?
1Bienvenue dans l’ère des influenceuses IA dans le tourisme.
Une tendance qui monte (vite), qui dérange (beaucoup), et qui pose une vraie question : est-ce qu’on peut donner envie de voyager quand on ne vit rien ?
Allez, je vous embarque pour un petit tour dans cet univers où tout est lisse, contrôlé, parfait. Trop parfait ?
C’est quoi une influenceuse IA ?
L’idée est simple. Et un peu flippante.
Tu prends une marque de tourisme qui veut rayonner sur les réseaux sans les petits aléas de l’humain (genre une story postée à l’arrache à 2h du mat’ ou une opinion un peu trop perso sur un resto moyen à Bali). Et au lieu d’embaucher un influenceur, tu fabriques ton propre visage. En pixels.
Résultat ? Une jeune femme parfaite, toujours souriante, bien coiffée, au teint éclatant même après 12h de vol (qu’elle n’a pas pris, bien sûr).Elle ne connaît pas les bus bondés ni les galères de check-in. Elle ne râle pas sur les files d’attente à la sécurité. Elle est programmée pour te faire rêver.
Et surtout : elle dit ce que la marque veut qu’elle dise. Zéro imprévu, zéro opinion, zéro transpiration.
Ces influenceuses IA ne sont pas des robots humanoïdes, non. Ce sont des avatars virtuels créés par des agences ou des départements marketing. Elles ont des profils Insta, un style vestimentaire bien défini, parfois même une bio avec une histoire toute faite : “Aventurière curieuse, passionnée de rencontres et d’authenticité”.
Authentique, vraiment ?
Elles posent dans des paysages de rêve, te balancent des citations inspirantes et des hashtags parfaits. Elles enchaînent les reels, les photos, les articles de blog sponsorisés par les offices de tourisme.Et elles ne prennent aucun risque. Ni pour leur image, ni pour les marques.
Qui sont ces stars qui n’existent pas ?
Voici le casting : elles sont jeunes, jolies, stylées. Et… totalement fictives.
Remarque qu’elles sont assez clichées au final. Leur créateur sont-ils des hommes ?
Lena pour TUI
Lena, c’est l’influenceuse officielle de la marque TUI. Elle a un compte Instagram, un blog, une personnalité ultra-positive. Dans la présentation de la marque, on la compare à « Christophe Colomb et une journaliste ». Rien que ça.
Le truc ? Elle n’a jamais mis les pieds nulle part. Et pourtant, elle te parle comme si elle revenait tout juste d’un road trip au Mexique. Ses photos sont parfaites, ses textes bien léchés. Mais tout est géré par l’équipe com’ de TUI. Aucun vécu. Aucune émotion brute.
Anne Kerdi pour Tourisme Bretagne
Anne Kerdi (oui, Kerdi, comme “Kêr”, la ville en breton) est censée incarner une Bretonne moderne et engagée. Elle a même droit à une interview sur le site de ses créateurs. Avec micro à la main, façon reportage.Mais on est loin de la vraie rencontre avec une bigoudène qui te parle crêpes et tempêtes.
Emma pour l’Allemagne
Créée pour l’Office National Allemand du Tourisme, Emma est le cliché incarné : blonde, mince, sourire parfait, look un peu bobo. Elle t’invite à visiter les villes allemandes, mais sans jamais s’y être perdue.Elle évoque des lieux, mais ne raconte aucune galère. Et clairement, elle est aussi chaleureuse qu’un dimanche pluvieux à Francfort. Comme dirait Matmatah : « aussi froide que le carrelage de mes WC ».
Sama pour Qatar Airways
Ambiance luxe et dépaysement. Sama est l’égérie virtuelle de Qatar Airways. Son univers : business class, hôtels cinq étoiles, panoramas somptueux depuis des rooftops inaccessibles au commun des mortels.Elle est censée incarner le raffinement, le voyage haut de gamme, l’élégance. Mais toujours sans jetlag, sans bagages égarés, sans file d’attente. Bref, sans vraie expérience humaine.
Ces influenceuses IA ont des communautés. Parfois des dizaines de milliers de followers. Leur contenu est impeccable. Trop impeccable.Et à bien y regarder, elles se ressemblent toutes. Même morphologie. Même teint parfait. Même posture.Et, sans surprise, presque toutes sont des femmes. Minces, jeunes, blondes. L’archétype visuel du fantasme marketing.
Pourquoi ne voit-on pas d’influenceur IA barbu, transpirant, en claquettes-chaussettes au fin fond du Rajasthan ?
Spoiler : ce n’est pas ce qui fait vendre.
Mais est-ce ce qu’on attend d’un récit de voyage ? Vraiment ?
Peut-on inspirer à voyager sans voyager soi-même ?
C’est LA grande question. Et elle est loin d’être anodine.
Est-ce qu’on peut transmettre l’émotion d’un lever de soleil sur le Machu Picchu sans jamais y avoir mis les pieds ? Est-ce qu’on peut parler d’un plat typique sans avoir goûté la sauce pimentée qui pique deux fois ?
Certains diront : pourquoi pas, si c’est bien raconté.
D’autres (moi, par exemple) auront du mal à y croire. Car le voyage, c’est du vécu. C’est de l’imperfection, de l’imprévu, de l’émotion brute. Et ça, aucune IA ne peut (encore) le simuler.
Même les “vrais” influenceurs perdent parfois le contact avec cette réalité : hôtels offerts, photoshoppées, légendes creuses. Mais au moins, ils l’ont vécu. Ils ont pris le vol, ont mangé le plat local, ont parlé avec un habitant.
Un avatar, lui, ne prend pas de risques. Il ne ressent rien. Il simule. C’est un masque lisse pour une destination formatée.
Un rêve contrôlé à bas coût
Pourquoi les marques se ruent-elles sur ces influenceurs IA ? La réponse est simple : contrôle total + coûts réduits.
Avec une influenceuse virtuelle, plus besoin de gérer les déplacements, les aléas, les états d’âme ou les collaborations compliquées. Pas de retards, pas de photos floues, pas d’opinions trop engagées.
Tu crées un personnage de A à Z. Tu choisis ses tenues, ses mots, ses expressions.
Tu diffuses ton message comme une publicité… mais sous la forme d’une personne. Ou presque.
Et tout ça à moindre coût. L’investissement initial dans l’avatar est vite amorti. Et après, c’est du contenu recyclable à l’infini.
Mais cette logique pose une autre question : à force de lisser le discours, est-ce qu’on ne finit pas par rendre le voyage… fade ?
Mon échange avec Anne
J’ai publié un post sur Instagram sur ce sujet.
Et voilà qu’Anne vient me répondre et se défendre en commentaire. Une scène surréaliste. Welcome 2025 !
Regarde ici la conversation, c’est drole.
Et il n’y a pas que moi qui trouve cela flippant !
Ce qu’on perd en route : l’essence même du voyage
Je ne sais pas toi, mais ce qui m’a donné envie de voyager, ce n’est pas un sourire figé dans une publicité. C’est un récit un peu bancal. Une photo prise à la va-vite. Une galère dans un bus bondé. Un échange improbable dans une langue qu’on ne maîtrise pas.
Le voyage, c’est une somme d’imperfections qui créent des souvenirs. C’est l’inattendu. C’est le rire nerveux quand tu t’aperçois que t’as pris le mauvais train. C’est le doute, l’émotion, l’odeur d’un plat inconnu dans une ruelle.
Et franchement, aucune IA ne pourra simuler ça. Pas encore. Peut-être jamais.
Alors oui, ces influenceuses IA font le job pour les marques : elles vendent. Mais, elles ne font pas ressentir.
Et si le tourisme se résume à un décor parfait, sans âme, on perd un truc précieux en route.
Conclusion : Authenticité, 1 – Avatars, 0 (pour l’instant)
Peut-être que dans dix ans, les influenceurs IA seront la norme. Peut-être qu’on aura tous des avatars pour visiter le monde depuis notre canapé.
Mais moi, je préfère encore mes godasses pleines de poussière, un carnet tâché de café, et une discussion foireuse avec un chauffeur de tuk-tuk.
Car c’est ça, le vrai voyage : ce qui échappe au script. Ce qui dépasse le cadre. Ce qui touche.
Et pour l’instant, aucune Emma IA n’a réussi à me faire vibrer autant qu’un bon vieux blog de voyage mal cadré mais sincère.
À toi de voir.
Qu’en penses-tu toi ?
Je pense que l’on continue de creuser niveau influence voyage… dans la facilité et le bas coût, mépris total de l’authenticité